Gaz de schiste: Une loi ...contre....ou...pour ?
Une loi contre les hydrocarbures de schiste a été adoptée à l’assemblée nationale : la fracturation hydrolique est interdite mais tout reste possible
Qui a voté: liste des députés
Après un jour et demi de débats, l’Assemblée nationale vient d’adopter une proposition de loi qui interdit la fracturation hydraulique et ne ferme que très temporairement la porte à l’exploration et l’exploitation des gaz et pétrole de schiste sur le sol français. Un texte qui n’est à la hauteur ni des attentes des citoyens, ni des exigences environnementales.
En en restant à l’interdiction de la fracturation hydraulique – sans d’ailleurs définir ce dont il s’agit, ni détailler les problèmes que posent cette technologie –, les responsables politiques gèrent uniquement le court terme. Ils laissent les pétroliers revenir à la charge, d’ici quelques années, voire quelques mois, avec une nouvelle technologie. Celle-ci pourrait s’avérer tout aussi polluante et dangereuse que la fracturation. sans que les gaz et pétrole de schiste en deviennent pour autant plus acceptables et respectueux de l’environnement !
C’est pour cela que l’affirmation NKM laisse pantois ! "C’est la seule méthode d’exploitation. Donc en l’interdisant, on arrête toute cette affaire", a insisté la ministre de l’environnement.
Christophe de Margerie, PDG de Total a confirmé que nous n’en n’avions pas fini avec les pétroles et gaz de schiste.
Il a ainsi confirmé que la loi adoptée par les parlementaires n’avait aucune conséquence sur l’activité des pétroliers, déclarant fièrement devant l’assemblée des actionnaires, que Total et ses partenaires travaillaient à contourner la loi : « ce qui a été voté n’exclut pas les compagnies de leur droit minier. [...] Le texte est habile. On va s’en sortir et trouver une solution dans les années a venir. [...] Il faut rester low profile en cette période.[...] On reviendra sur scène et expliquer qu’on ne peut pas utiliser que le soleil et les oiseaux. Nous faisons des recherches avec Cheasapake pour améliorer le processus de fracking « .
La firme a d’ailleurs annoncé en grandes pompes la signature d’un accord de partenariat dans les gaz de schiste avec le géant américain ExxonMobil , pour un projet situé en Pologne.
Voici ce que la loi sur les gaz et huiles de schiste n’interdit pas
La loi semble barrer la route à une exploitation destructrice des hydrocarbures et gaz de schiste... mais laisse la porte ouverte à de nombreuses autres possibilités.
La loi sur les gaz et huiles de schiste avait d’abord vocation à « abroger les permis » de gaz et huiles non conventionnels accordés en France. Finalement, elle ne fera qu’interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures par la fracturation hydraulique, c’est déjà pas mal, estimeront certains : les débats à l’Assemblée nationale ont abouti à un compromis se concentrant sur la « fracturation hydraulique ». Or, c’est bien là que le bât blesse : la seule garantie de préservation de l’eau et de l’environnement tient dans ce mot. Au delà, les industriels retrouvent toute liberté.
La loi n’interdit pas les permis d’exploration ou d’exploitation des gaz et huiles de schiste…
… il se focalise uniquement sur ceux impliquant « des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche ». Autrement dit: jusqu’au forage, tout est permis. Et au delà, ce n’est que la fracturation hydraulique qui est interdite.
La loi n’interdit pas l’usage de techniques consistant à injecter de l’eau sous pression chargée de produits chimiques…
… elle ne rend illégale que « la fracturation hydraulique ». Pour reprendre la formule d’Yves Cochet, il suffit de renommer la méthode « Kärcher sous-terrain » et les industriels peuvent reprendre tranquillement leur exploitation! Comme nous l’avions relevé dans notre décryptage, un amendement du groupe SRC proposait pourtant d’interdire également « toute autre technique nécessitant d’injecter dans la roche-mère des adjuvants chimiques ou une quantité d’eau importante ». Mais c’est le camp de « l’innovation » technologique qui a remporté la manche, suivant l’idée selon laquelle le législateur doit laisser aux exploitants la liberté de développer d’autres méthodes.
La loi n’interdit pas l’exploitation d’hydrocarbures offshores…
… le terme « non conventionnels » ayant disparu, les explorations et exploitations prévues au large de la Côte d’Azur ou de la Guyane restent parfaitement légales.
La loi n’interdit pas l’exploitation des schistes bitumineux…
… tombant également sous le terme « non conventionnel », les schistes bitumineux ne sont ni mentionnés, ni visés par cette loi, alors même que la France pourrait comporter sur son territoire certains sites exploitables. Parmi les techniques d’extraction, on peut énumérer le « strip mining » et le « open pit mining » (consistant à trépaner des montagnes où est enfermée la ressource) ainsi que le “true in-situ process” (TIS) par lequel le pétrole non « finalisé » est chauffé en profondeur avant d’être extrait. Autant de façon d’éviter toute forme de fracturation hydraulique tout en assurant une production pétrolière extrêmement nocive pour l’environnement.
La loi n’interdit pas l’expérimentation de « nouvelles techniques »…
… elle prévoit même dans son quatrième article des expérimentations « à seules fins de recherche scientifique sous contrôle public ». Autrement dit, c’est l’État lui-même qui réalisera les tests nécessaires au développement de nouvelles techniques d’exploitation des hydrocarbures non conventionnels.
La loi ne met pas en place de contrôle des conséquences écologiques de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels…
… le rapport cité plus haut ne vise qu’à établir un suivi de « l’évolution des techniques d’exploration et d’exploitation et la connaissance du sous-sol français, européen et international en matière d’hydrocarbures liquides ou gazeux. » En clair, il s’agit avant tout de connaître l’état actuel des réserves de pétrole et de gaz, ainsi que les derniers développements techniques disponibles en la matière. Tout ça, certainement, dans la très louable intention d’assurer « la souveraineté énergétique du pays ».
En clair, reculer pour mieux forer.